J.J.Claustriaux, Président du Jury permanent
P. Lauwers, Responsable technique
Royal Concours International de Roses Nouvelles du Roeulx
Mai 2016
1-Préambule
L’objectif de cette chronique est d’évoquer la fumure du rosier et la lutte contre ses parasites en considérant essentiellement les agresseurs observés dans notre région, en particulier au Roeulx, au sein du Jardin Concours ou du Conservatoire des Roses.
Les deux thèmes ont été associés car un rosier bien « nourri » résiste mieux si un parasite vient à sa rencontre.
Avant d’aborder ces sujets, il faut rappeler quelques règles fondamentales de la culture du rosier, à savoir :
- planter selon l’art des variétés résistantes aux parasites,
- planter le rosier dans un endroit non ombragé et au sol profond,
- ne jamais replanter un rosier à l’emplacement d’anciens plants, sinon laisser reposer la terre avant la replantation pendant trois à cinq ans, par exemple en semant ou plantant des tagètes, sinon changer la terre,
- tailler judicieusement le rosier (voir chronique 1) pour assurer une aération suffisante du centre de la plante et ainsi favoriser la végétation.
Enfin, si vous souhaitez en connaître davantage sur les deux thèmes, la consultation de l’ouvrage de Groult [2010], très didactique et bien illustré, est suggérée.
2-J’ai faim et soif !
1° En supposant que toutes les règles pour la plantation ont été respectées, les besoins en nutriments pour le rosier sont importants, surtout à partir de la deuxième année, sans être excessifs car ils peuvent aussi avoir l’effet inverse.
Les engrais sont apportés :
- au printemps, après la taille à la sortie de l’hiver, et après la première floraison : apport d’azote pour la croissance, de phosphore (P2O5) pour favoriser la couleur, ainsi que des oligo-éléments pour catalyser les fonctions physiologiques de la photosynthèse et éviter, notamment, les chloroses du feuillage ;
- à l’automne : apport de potasse (K2O) pour préparer la plante à résister au froid, par exemple sous la forme d’un engrais organique riche en potasse.
De façon générale, un apport d’engrais « spécial rosiers », de type organo-minéral NPK avec un complément en magnésium (MgO), et plus riche en potassium soluble dans l’eau, comme 9-6-15 (3), 7-6-12 (4), 6-7-15 (4) ou 5-3-8-(3) peut convenir. La dose d’application est chaque fois de l’ordre de 150 à 200 grammes par m2, sachant qu’une poignée équivaut environ à 50 grammes. Dès l’épandage terminé, un binage s’impose.
2° Autant que possible, les parcelles de rosiers doivent rester propres. Il faut éviter le bêchage profond pour ne pas couper ou blesser les racines et préférer régulièrement le binage léger pour favoriser la pénétration de l’eau.
Certes, planter des espèces végétales qui tapissent le sol entre les rosiers permet de garder une humidité à la base des plantes. Cependant, cela introduit une concurrence hydrique et nutritionnelle. Nous ne conseillons donc pas cette pratique. De même, au pied des rosiers, il n’est pas conseillé de déposer des copeaux de bois qui en se décomposant vont acidifier le sol. Si besoin, un apport de paille, de foin ou de compost bien décomposé est préféré.
3-Mieux vaut prévenir que guérir !
3.1-Observons d’abord
Préalablement, il importe de signaler que des dégâts observés sur le rosier peuvent résulter d’accidents provoqués par un gel tardif sur les feuilles donnant l’apparence d’une attaque de champignons (figure 1) ou dans les boutons provoquant ensuite des malformations des fleurs (figure 2).
De même, les rayons violents du soleil peuvent aussi brûler des pétales (figure 3).
Par ailleurs, il n’y a pas lieu de confondre l’attaque d’un parasite avec une décoloration jaunâtre des feuilles. Souvent, celle-ci résulte d’une simple carence en fer dans le sol, phénomène rare dans nos terres riches correctement fumées. Il faut espérer qu’elle ne provient pas d’une application accidentelle d’un herbicide à base d’hormones sur les feuilles ou de la résultante d’un traitement du sol par un herbicide pré-émergent qui, via les absorptions par les racines, peut provoquer le jaunissement du feuillage.
Enfin, tout le monde doit vivre ; la biodiversité végétale et animale doit être préservée. En conséquence, avant d’effectuer une lutte contre un parasite, posons-nous la question : est-ce vraiment nécessaire ? Il faut apprendre à accepter un certain niveau de présence d’un organisme étranger sur le rosier.
3.2-Les champignons attaquent…
1° Chez nous, cinq maladies cryptogamiques sont fréquemment observées.
a-La plus importante est la « maladie des taches noires », aussi appelée marsonia ou black spot (Marssonina rosae ; figure 4),
Dans tous les cas, les symptômes sont assez analogues. De petites taches jaunes de quelques millimètres apparaissent d’abord sur les plus vieilles feuilles pour gagner les plus jeunes feuilles ensuite ; ces taches aux bords dentelés deviennent noires et elles s’élargissent de plus en plus. Finalement, les folioles, toutes attaquées, tombent. Parfois, chez certaines variétés très sensibles, les rameaux sont aussi atteints. Il faut être attentif à ne pas confondre cette attaque sur les tiges avec une autre maladie plus grave encore, le chancre, qui dans ce cas nécessite hélas un remède brutal, à savoir l’élimination de la plante malade qui doit ensuite être brulée.
La symptomatologie de la maladie des taches noires est la suivante. Au printemps, dès que les journées sont chaudes et les nuits fraiches, le champignon développe son mycélium dans les feuilles ; ensuite il produit des spores qui sont emportés par le vent et la pluie pour coloniser d’autres rosiers. En hiver, le champignon « hiberne » sur les feuilles restées au sol, pour réapparaître au printemps.
b-Dans certains cas, on peut confondre la « maladie des taches noires » avec celle qui peut aussi être provoquée par d’autres champignons, dont le célèbre « mildiou » ou phytophtora. A nouveau, ce terme est général pour désigner plusieurs agresseurs. Sur le rosier, il s’agit de Peronospora sparsa (figure 5). Son attaque débute aussi par de petites taches rouge pourpre à brun foncé et non régulières sur les feuilles qui deviennent aussi progressivement jaunâtres et ensuite noires. Elle apparaît lorsque l’atmosphère est chaude et humide. Son vecteur pour la diffuser est le vent.
c-La troisième maladie cryptogamique parfois rencontrée est l’oïdium ou le « blanc du rosier » (figure 6). Les principaux synonymes pour désigner cet agresseur sont Erysiphe poelti, Sphaerotheca pannosa, Podosphaera pannosa, etc.
Par temps chaud et très humide, un mycélium blanc apparaît sur les jeunes feuilles, les boutons, les jeunes tiges et même autour des aiguillons lors de fortes attaques. Toutes ces parties se sèchent progressivement ; les feuilles recroquevillées tombent et les boutons avortent.
d-Quant à la quatrième maladie cryptogamique considérée et qui est peu fréquente au Roeulx, il s’agit de la « rouille » (Phragmidium mucronatum ; figure 7).
Ce champignon se développe par temps humide dès le printemps et parfois en automne. La face inférieure des feuilles, parfois aussi les tiges, se couvrent de pustules circulaires de couleur orange. Les feuilles peuvent se recroqueviller, se décolorer et tomber. Elle se répand aussi par le vent.
e-Signalons encore que les attaques de « pourriture grise » (Botrytis cinerea) sont rares. Dans ce cas, des petits points rouges apparaissent sur les pétales extérieurs, qu’il n’y a pas lieu de confondre avec une légère réaction aux rayons du soleil. Par contre, si l’attaque est plus intense les boutons sont couverts par un feutre gris, les fleurs fanent et moisissent.
2° Certes des produits phytosanitaires systémiques existent pour des traitements spécifiques des rosiers en vue de lutter contre ces organismes de façon « curative ». Hélas, ils doivent être fréquemment répétés. Aussi, quelques conseils préventifs sont judicieux à appliquer, sachant que la première règle citée au paragraphe 1 est toujours la plus efficace :
- après la taille de printemps, lorsque la végétation a démarré et avant l’apparition des bourgeons floraux, traiter préventivement avec de la bouillie bordelaise (sulfate de cuivre), contre la tache noire, le mildiou et la rouille, ou avec un traitement à base de soufre contre le blanc du rosier ;
- après l’unique floraison pour les variétés non remontantes ou après la taille qui suit la première floraison pour les rosiers remontants, traiter à nouveau préventivement comme énoncé ci-dessus ;
- éliminer tous les déchets des différentes tailles et nettoyer régulièrement la lame du sécateur qui peut transmettre les germes d’un rosier à l’autre ;
- pendant tout l’été et au cours de l’automne, éliminer systématiquement toutes les feuilles qui tombent sur le sol, sans les composter ;
- en début d’hiver, procéder encore à un traitement à base de cuivre pour éliminer les parasites cryptogamiques toujours présents sur les feuilles restantes.
3.3-Les insectes sont au rendez-vous…
1° En ce qui concerne les insectes qui attaquent le rosier, il faut citer principalement le « puceron vert du rosier » (Macrosiphum rosae ; figure 8).
Ce petit insecte (2 à 4 mm de long) a un corps mou et allongé de couleur vert, légèrement brun rougeâtre ou mauve. Il est muni de fines pattes et de longues antennes. On distingue le puceron ailé et le puceron non ailé.
Au printemps, les fondatrices d’une colonie apparaissent sur les jeunes pousses bourgeonnantes et elles pondent. La reproduction printanière est asexuée et une seule fondatrice peut donner naissance à toute une colonie de pucerons non ailés. Il est donc essentiel d’intervenir dès que les premiers insectes apparaissent.
Plus tard dans la saison, des pucerons ailés naissent à leur tour ; ils se disséminent sur d’autres plantes. A la fin de saison, les œufs des fondatrices hibernent sur les rameaux des rosiers, dans les creux des écorces et à la surface du sol.
Au niveau des dégâts, on observe que les jeunes feuilles se déforment et s’enroulent sur elles-mêmes. Les boutons sont attaqués et avortent. La croissance de la plante se réduit fortement.
Par ailleurs, une substance collante et brillante apparaît sur les parties de la plante attaquée ; il s’agit des déjections des pucerons, aussi appelée miellat. Si vous observez des fourmis à proximité des rosiers, il y a de grandes chances que des pucerons y soient présents car elles se nourrissent du miellat. Par contre, si un feutre noir survient sur les feuilles, il s’agit d’un champignon appelé fumagine qui se développe sur ce miellat. Par ailleurs, on peut aussi observer une écume blanche (figure 9) appelée « crachat de coucou » ; c’est le dépôt de la cycadelle écumeuse, cousine du puceron.
Il faut encore signaler que les pucerons sont des insectes piqueurs-suceurs ; ils transmettent aussi des maladies et des virus d’une plante à l’autre.
2° Les techniques de lutte contre les insectes étant plus spécifiques, il y a lieu de les envisager en fonction du ravageur. Toutefois, de façon générale, pendant l’hiver, il est vivement conseillé d’effectuer un traitement à base d’huile pour éliminer les larves.
Contre le puceron, il est suggéré d’envisager trois niveaux de lutte.
Pour la lutte préventive, il faut favoriser la présence des prédateurs naturels comme les syrphes, les cécidomyes, les chrysopes vertes ou demoiselles aux yeux verts (Chrysoperla carnea) , les mésanges, etc., en installant des hôtels à insectes ou des nichoirs. On veille aussi à éliminer toutes les adventices aux pieds des rosiers qui sont des refuges pour les pucerons. La plantation de lavandes à proximité des rosiers est aussi à conseiller.
Si la présence des prédateurs est trop faible, il faut pratiquer la lutte alternative en introduisant des larves de coccinelles ou des parasites du puceron comme les aphelinides. Ces petits hyménoptères pondent des œufs dans les pucerons et les larves dévorent ensuite l’insecte de l’intérieur. N’oublions pas également d’éliminer les colonies de fourmis, si besoin.
En cas d’attaque trop importante, il faut recourir à la lutte traditionnelle et à la pulvérisation d’insecticide systémique, naturel si possible à base de pyréthrine.
3° Les attaques des otiorrhynques sont rarement observées. Ces coléoptères vivent la journée au niveau du sol et ils grimpent la nuit le long des tiges pour aller grignoter les bords des feuilles laissant apparaître des encoches.
Il est évident que le moyen de lutte le plus efficace et le plus naturel est de biner régulièrement pour aérer le sol, et d’éliminer tout le végétal tombé au sol.
4° Parfois, une attaque spectaculaire est l’œuvre des mégachiles. Elles mangent les feuilles de façon circulaire laissant apparaître de larges trous, comme si des morceaux de feuille avaient été amputés à l’emporte-pièce (figure 10).
Il n’y a pas lieu d’appliquer un traitement car les dégâts sont limités dans l’espace et les insectes ont un cycle de vie court.
5° Pour la première fois en 2015, on a observé la présence d’une cétoine ou hanneton des roses (Cetonia aurata). Ce très beau coléoptère aux élytres de couleur vert apprécie de manger l’androcée et le gynécée de la rose, c’est-à-dire le cœur de la fleur. En général, ses attaques sont limitées. Si besoin, l’emploi d’un insecticide systémique serait requis.
6° Enfin, le cynips du rosier (Diplolepis rosae) recherche certains rosiers. La femelle de ce petit hyménoptère enfonce sa tarière dans les tiges au niveau des bourgeons pour pondre des œufs. Les larves provoquent une réaction de la plante et la formation d’une galle chevelue (figure 11) appelée bédégars ou « barbe de Saint-Pierre ». Celle-ci affecte peu la croissance de la plante. Si besoin, la lutte consiste à enlever les bédégars et à les détruire.
4-Et pour conclure
1° L’application de tous les produits phytosanitaires doit s’effectuer par temps sec, le matin ou le soir, au moment où la vitesse du vent est réduite et l’effet du soleil est limité. Il ne faut jamais traiter lorsque le rosier « a soif », c’est-à-dire en période très sèche ou très chaude . La pulvérisation doit toujours atteindre les faces supérieures et inférieures de toutes les feuilles et de tous les rameaux.
Enfin, l’association des rosiers avec des variétés d’ails ornementaux serait un moyen efficace pour éviter ou réduire le recours aux produits phytosanitaires [HUBNER, 2012].
2° Aucune information relative aux parasites viraux et aux maladies bactériennes n’a été présentée car leur présence semble peu fréquente. Dans le cas contraire, il conviendra de tailler très sévèrement le rosier et, si l’année suivante les symptômes sont toujours présents, il faudra arracher le plant, le brûler et ne plus planter de rosier au même endroit.
5-Quelques références
Groult J-M. [2010]. Cultiver les rosiers. Glénat, Grenoble, 79 p.
Hubner M. [2012]. Mon amie la Rose. Astuces Jardin. Lerosa, Paris, 7, 81 p.